Bilan de la deuxième session de pose de balises GPS/Argos sur des bécassines des marais Gallinago gallinago en France.
Dans le cadre d’un partenariat entre l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) et le Club international des chasseurs de bécassines (CICB), cette étude a pour objectifs d’identifier les zones de reproduction et d’étudier le déroulement de la migration des Bécassines des marais Gallinago gallinago stationnant en France. Les 10 premières balises GPS/Argos ont été déployées en février/mars 2017. Cette phase de test avait permis de valider le fonctionnement du matériel et le protocole de pose des balises, et avait donné des premiers résultats sur la migration et l’origine géographique des oiseaux équipés. En 2018, de nouvelles balises ont été déployées sur 34 bécassines avant leur départ en migration prénuptiale. Ce rapport a pour but de présenter le bilan technique et scientifique de cette deuxième année de travail.
Crédit photo Landry Boussac
Description du matériel utilisé et programmation des balises
Le matériel utilisé en 2018 est le même qu’en 2017, à savoir des balises PinPoint Argos munies d’une batterie de 75 mAh, proposées par l’entreprise anglaise Biotrack. Pour rappel, cette balise GPS/Argos, d’un poids de 3,5 à 4 grammes, positionne les oiseaux à intervalles réguliers grâce au GPS et transmet les données par satellite via le système Argos. Une plateforme internet permet ensuite de récupérer les positionnements. Le nombre maximum de positions GPS que l’on peut espérer obtenir est de l’ordre de 70–90 localisations par balise.
Le harnais, un élastique de 2mm de diamètre (0,5g), permet de fixer la balise dans le bas du dos de l’oiseau en faisant passer deux boucles au niveau des pattes. Ce type de harnais, dit leg-loops, a l’avantage de ne pas condamner l’oiseau à porter la balise toute sa vie puisque l’élastique va se rompre naturellement. Le contrôle en avril 2018 du premier oiseau équipé en février 2017, puis en septembre 2018 d’un autre oiseau équipé à la même période ont d’ailleurs confirmé que la durée de vie du harnais était d’un à deux ans. En effet, l’oiseau contrôlé en avril 2018 avait toujours sa balise mais l’élastique présentait des signes de faiblesse et il est clair qu’il allait se rompre rapidement. La bécassine contrôlée en septembre 2018 n’avait plus de balise.
La programmation des balises durant la période principale de migration prénuptiale (du 20 mars au 10 juin) était similaire à celle effectuée au cours de l’année test, c’est-à-dire un point tous les 2,5 jours. En dehors de cette période, la programmation était allégée à deux points par semaine avant le 20 mars et un point par semaine après le 10 juin pour économiser la batterie. Le rythme des localisations programmées s’intensifiait à nouveau d’octobre à décembre dans l’espoir de récupérer des données sur la migration postnuptiale (2 points par semaine). La durée de vie de la batterie ne permet pas d’avoir des localisations en hiver.
34 nouvelles balises posées entre février et avril 2018
La commande 2018 et le remplacement des balises défectueuses de la session précédente ont permis la pose de 34 nouvelles balises. Sept sites de capture, concernant cinq départements, ont été sélectionnés : les sites de Braud-et-Saint-Louis en Gironde et de Sainte-Opportune-la-Mare dans l’Eure, comme en 2017, auxquels se sont ajoutés deux sites vendéens à Challans et Saint-Jean-de-Monts, un site en Camargue dans les Bouches-du-Rhône, un site à Ambès en Gironde et un site à Châteauneuf d’Ille-et-Vilaine en Bretagne. Les conditions météorologiques défavorables de fin février-début mars, mais aussi la dispersion des groupes de bécassines des marais, ont rendu difficiles les captures. Onze opérations de captures ont été nécessaires entre la mi-février et la mi-avril.
Tableau récapitulatif des opérations de pose de balises sur des bécassines des marais en 2018
Sur les 34 balises déployées en 2018, 13 n’ont jamais transmis de localisations, dont les 6 balises posées en Camargue en février 2018. Un problème de matériel a été identifié par le constructeur, en lien avec une batterie inadaptée, ces balises seront donc remplacées en 2019. Nous avons également constaté trois cas de prédation qui se sont produits rapidement après le lâcher des oiseaux, ce qui n’avait pas été observé en 2017, ainsi que deux cas de mortalité pour lesquels nous avons retrouvé la balise sur le terrain sans pouvoir identifier la cause de la perte. Lors de la phase d’adaptation au matériel, les bécassines sont probablement plus vulnérables et il convient d’être très vigilant lors du lâcher des oiseaux. Les oiseaux seront désormais maintenus en caisse de contention au moins 2h après la pose de la balise, le temps de réduire le stress occasionné par la manipulation avant le lâcher. Lors des opérations de nuit, les oiseaux seront lâchés le lendemain matin.
Compte-tenu de tous ces aléas, nous avons obtenu des informations sur les trajets migratoires prénuptiaux complets pour 11 oiseaux.
Résultats détaillés par site de capture
Pour la Gironde, trois oiseaux ont pu être suivis sur les 8 équipés.
Carte des trajets 2018 des Bécassines des marais, équipées en Gironde de balises GPS/Argos (Source ONCFS-CICB)
La première bécassine est partie de Gironde entre le 2 et le 4 avril. Elle est arrivée sur son site de nidification en Biélorussie entre le 24 et le 27 avril. Sa dernière localisation est enregistrée le 19 mai.
La deuxième bécassine équipée est partie entre 12 et le 14 avril pour arriver entre le 19 et le 22 avril sur sa zone de nidification en Russie de l’Ouest. Elle ne bougera pas de cet endroit jusqu’au 24 juin, date de la dernière localisation reçue.
La troisième a quitté son site de capture entre le 17 et le 19 avril. Elle est arrivée en Russie de l’Ouest entre le 24 et le 27 avril après un passage par l’Allemagne puis par la Lituanie. Vers le 17 mai, elle s’est déplacée un peu plus à l’Est pour s’installer sur un nouveau site où elle restera jusqu’à fin juillet. Au milieu de l’été, elle est finalement remontée plein nord sur plus de 300 km ! La dernière localisation date du 2 septembre.
En Vendée, trois balises ont également envoyé régulièrement des données de localisation sur les 9 oiseaux équipés.
Carte des trajets 2018 des Bécassines des marais, équipées en Vendée de balises GPS/Argos (Source ONCFS-CICB)
Le premier départ vendéen est enregistré entre le 7 et le 9 avril. Cette bécassine est arrivée sur son site de nidification en Estonie le 19 avril, site qu’elle n’a pas quitté jusqu’au 10 juin, date de la dernière position transmise.
La seconde bécassine a quitté la Vendée entre le 25 et le 27 avril. Cet oiseau a traversé la Belgique, puis le Danemark. Le 5 mai, elle est localisée en Suède, puis continue son trajet plein nord. Fin mai, elle s’établie en Finlande, au-dessus du cercle polaire. On enregistre sa dernière position à cet endroit le 9 juin. Début septembre, un dernier signal de faible qualité, la positionne toujours là-bas.
La troisième bécassine vendéenne a pris son envol pour l’Allemagne entre le 1 et le 4 juin. Elle a rejoint la Pologne entre le 16 et le 23 juin, près de la frontière avec la Lituanie. La balise a cessé d’émettre le 14 juillet, toujours près de cet endroit.
Enfin, cinq bécassines équipées dans l’Eure ont effectué des trajets de migration impressionnants.
Carte des trajets 2018 des Bécassines des marais, équipées dans l’Eure de balises GPS/Argos (Source ONCFS-CICB)
Le premier départ de l’Eure s’est déroulé entre les 14 et 17 avril. Cette bécassine est arrivée entre le 7 et le 9 mai sur son site de nidification en Biélorussie où elle est ensuite restée jusqu’au 23 septembre, date de sa dernière localisation.
Le second départ a eu lieu entre le 29 avril et le 2 mai. Le 17 mai, la balise a envoyé une position près de Saint-Pétersbourg en Russie. L’oiseau a ensuite continué son trajet en direction du nord-est. Vers le 8 juin, cette bécassine était dans le nord de l’Oural en Russie. Nous avons reçu les dernières localisations le 15 juillet dans cette même zone.
La troisième bécassine normande a quitté l’Eure entre le 1er mai et le 3 mai, pour arriver directement en Suède. De là, cet oiseau est parti très rapidement plein est pour aller s’installer près de l’Oural fin mai. Durant un mois, l’oiseau a navigué dans cette zone, est reparti au sud, puis est revenu vers son lieu d’arrivée le 8 juillet. La balise a émis jusqu’au 21 octobre à cet endroit nous indiquant que l’oiseau a probablement laissé sa balise sur place ou qu’il est mort là-bas.
Les deux autres oiseaux équipés ont quitté le site de la Grand’Mare entre le 8 mai et le 11 mai. La première des deux est arrivée entre le 6 et le 7 juin sur son site de nidification en Russie du Nord. La balise a émis des localisations toujours au même endroit jusqu’au 18 novembre, nous indiquant aussi la perte probable de cette balise ou la mort de cet oiseau. La seconde bécassine a réalisé un trajet migratoire rapide, quasiment sans halte, pour arriver à l’est de l’Oural entre le 26 et le 28 mai. La dernière donnée est transmise le 10 juin, toujours sur ce site.
Pour l’Ille-et-Vilaine et les Bouches-du-Rhône, nous n’avons hélas reçu aucune donnée.
Synthèse des résultats 2018
Tableau récapitulatif des données migratoires issues des 11 balises fonctionnelles en 2018
Les bécassines équipées en 2018 se sont établies dans des zones de reproduction allant de l’est de l’Europe (Scandinavie, Pays-Baltes, Biélorussie) à la Sibérie Occidentale. Plus en détail, une s’est installée au nord de la Finlande, une en Estonie, une près de la frontière Pologne/Lituanie, deux en Biélorussie, deux en Russie de l’Ouest, trois en Russie du Nord et une en Sibérie Occidentale. Les durées des migrations varient de 6 jours à 59 jours, les sites de nidification les plus proches étant logiquement atteints plus rapidement. Plusieurs autres facteurs peuvent influencer ces durées : l’expérience de l’oiseau, les conditions météorologiques rencontrées au cours du trajet et la fonte des neiges sur les sites de reproduction.
Carte des trajets 2018 des Bécassines des marais, équipées de balises GPS/Argos (Source ONCFS-CICB)
A première vue, les oiseaux équipés près des côtes de la Manche (site de la Grand’Mare dans l’Eure) semblent être d’origine plus lointaine que les oiseaux équipés près des côtes atlantiques (sites de Vendée et Gironde). Il existe cependant des variations individuelles très importantes, y compris au sein d’un groupe d’individus capturés au même endroit et au même moment. Il faudra donc équiper d’autres oiseaux, et sur d’autres sites, pour évaluer si ces différences observées sont dues à une réelle différence ou au simple fait du hasard.
Les départs les plus tardifs concernent des oiseaux effectuant les plus longs trajets migratoires, ce qui paraît tout à fait logique puisque les oiseaux se reproduisant près du cercle polaire arctique ou en Sibérie n’ont aucun intérêt à partir trop tôt, leurs sites de nidification restant gelés jusque fin mai / début juin. La seule exception à cette règle est l’oiseau équipé en Vendée qui n’est parti que début juin en migration pour s’arrêter près de la frontière entre la Pologne et la Lituanie. Le comportement de cette jeune femelle est plutôt atypique et elle n’a probablement pas pu participer à la reproduction en 2018.
Aucun oiseau n’a pu être suivi à l’automne 2018 lors de son trajet postnuptial. Le maximum de localisations obtenues est de 48 et le nombre moyen de localisation est de 33 parmi les 11 balises fonctionnelles. Cette moyenne est en deçà des prévisions données par le constructeur et il faut donc en conclure que le comportement des bécassines et leur promiscuité avec les zones humides ne doivent pas favoriser le bon fonctionnement du matériel. Au vu des données transmises par deux balises à l’automne sur les sites de nidification, il est aussi possible que plusieurs bécassines aient perdu leur balise avant leur départ en migration postnuptiale ou que des individus soient morts sur place. Nous n’avons hélas pas contrôlé d’oiseaux équipés de balises durant l’automne-hiver 2018-2019 mais nous aurons peut-être l’occasion d’en contrôler certains plus tard, ce qui pourrait permettre de mieux statuer sur le sort de ces oiseaux.
Perspectives pour la suite du projet
Bien qu’un certain nombre de balises aient une nouvelle fois montré des défaillances techniques majeures pendant et après les séries de tests effectuées, il est tout de même satisfaisant d’obtenir 11 trajets de migration prénuptiale supplémentaires, ce qui porte à une quinzaine le nombre d’individus suivis jusqu’à leur site de reproduction depuis le début du projet. Le constructeur a pris sa part de responsabilité quant au mauvais fonctionnement du matériel et s’est engagé à remplacer toutes les balises défectueuses en 2019. Cela donnera la possibilité de poser une quarantaine de balises en mars-avril 2019, et donc de compléter sérieusement ces résultats. Le but serait d’arriver à une trentaine de trajets complets, ce qui permettrait de réaliser les premières analyses détaillées sur le déroulement de la migration prénuptiale et l’origine géographique des bécassines des marais séjournant en France.
Nous remercions vivement nos partenaires, les contributeurs à ce projet, ainsi que les membres du Réseau bécassines ONCFS/FNC/FDC/CICB pour leur implication dans ce programme.
Damien Coreau & Kévin Le Rest, Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage
Patrice Février, Club International des Chasseurs de Bécassines
Sans la confiance que nous ont témoignée nos sponsors, nous n’aurions certainement pas eu le courage d’entreprendre cette grande étude qui nous est si chère. Si nous les remercions de tout notre cœur, c’est que les fonds qu’ils nous remettent nous sont indispensables, mais c’est aussi parce que leur soutien est le plus précieux des encouragements.
Merci aux Associations spécialisées que nous n’avions pas sollicitées, mais qui ont spontanément décidé de nous aider :
ADCGEA (associations des chasseurs de gibier d’eau de l’Aisne)
SICGEBLN (Syndicat Intercommunal des Chasseurs de Gibier d’Eau de la Basse Loire Nord)
GASSAUNA (Groupement des Association de Sauvaginiers de la Nouvelle Aquitaine)
Association diverses (ACF Maine & Loire, ACGP du Cantal... )
Merci aux dix-sept Fédérations départementales des chasseurs qui se sont engagées à nous soutenir financièrement
pendant les quatre ans de notre étude :
FDC de l’Aveyron - FDC du Cantal - FDC du Calvados - FDC de la Charente-Maritime - FDC du Doubs - FDC de l’Eure - FDC de la Gironde - FDC de l’Ille-et-Vilaine - FDC des Landes - FDC de la Loire-Atlantique - FDC de la Lozère - FDC de la Manche - FDC du Pas de Calais - FDC du Puy-de-Dôme - FDC de la Seine-Maritime - FDC de la Somme - FDC de la Vendée... et l’Union des Fédérations côtières.
Enfin, le dernier, mais non le moindre, notre « grand sponsor » qui s’est engagé par convention à nous soutenir fortement pour
les quatre années de l’étude : la Fondation François Sommer
En raison de la situation actuelle, la BOURSE DES TERRITOIRES est suspendue jusqu'à nouvel ordre.