Au commencement, le Dr Devort faisait tout, tout seul. Il analysait chaque plumage et envoyait les résultats avec un petit mot au fournisseur. Ce qui lui permettait à la fois de fidéliser ses contacts et de se faire expliquer telle ou telle chose qui n’était pas claire. Peu à peu, l’intérêt qu’il y mettait se mua en corvée, il avait besoin de temps pour étudier d’autres choses. En 1999, quand notre président fondateur, Jean de Mareüil, donna sa démission, Michel Devort expliqua qu’il était franchement saturé. Nous pouvions le comprendre ! L’analyse fut faite, cette année-là, par un technicien de la fédération des chasseurs de la Gironde. Malheureusement, celui-ci, ayant passé l’examen qu’il préparait et pour lequel il avait étudié les plumages de bécassines, ne poursuivit pas les lectures.
Cette étude fut alors abandonnée. Il était alors admis (fautivement) que la parution de la Clé de détermination permettrait à tous les chasseurs de bécassines de connaître l’âge et le sexe de leur gibier. En fait, la reconnaissance de l’âge et le sexe des bécassines est de plus en plus complexe au fur et à mesure que la saison avance et que les juvéniles changent leurs plumes pour des plumes adultes.
En 2003-2004, le président Monsieur Patrice Février, après de longues discussions avec le Dr Devort qu’il connaissait de longue date, lança ou relança plusieurs études parmi lesquelles la récolte et l’analyse des plumages.
Les deux premières années furent difficiles. Il fallut remettre en route une machine arrêtée depuis quatre ans, et il était indispensable de trouver un lecteur capable de « lire » correctement les plumages. Enfin, l’ensemble devait donner naissance à un rapport technique qu’il fallait rédiger. Tous ces travaux nécessitaient un soutien financier que le CICB n’avait pas les moyens d’assumer.
De tout ce qui était à faire, ce fut la chose la plus simple. Le président Février rencontra le président de la FNC et lui exposa le problème. Charles-Henri de Ponchalon ne se fit pas tirer l’oreille et une Convention fut signée entre la FNC et le CICB. Celle-ci est réactualisée chaque année depuis et c’est grâce à elle que nous pouvons effectuer tous les travaux et publier le Rapport Technique.
Pour le reste, ce fut moins simple ! Deux lecteurs se succédèrent, mais n’apportèrent pas la précision que nous attendions. Patrice Février qui ne l’avait jamais fait, rédigea avec peine, malgré les conseils de Michel Devort, les deux premiers rapports techniques. Seuls les adhérents et les sympathisants furent à la hauteur en envoyant fidèlement les ailes et les queues de bécassines qu’il fallait reclasser avant de les fournir aux lecteurs.
La création du Réseau Bécassines en 2006 changea entièrement la donne. Au cours d’une réunion à la FNC, le président Février et Yves Ferrand, « patron » du Réseau Bécassines, décidèrent de travailler main dans la main. Le nouveau projet prévoyait que le CICB resterait le principal fournisseur de plumages qu’il récolterait auprès de ses adhérents et sympathisants. Les lectures de plumages se feraient dans une FDC où se retrouveraient pendant deux jours des lecteurs reconnus pour leur compétence à lire les plumages, et permettraient aussi de former d’autres lecteurs. Enfin le rapport technique serait écrit par le Dr Yves Ferrand et publié par les soins du CICB après relecture par la FNC (et de facto par l’ONCFS et le CICB).
Ce schéma qui débuta en 2007 se réalisa parfaitement. Cela fait donc 10 ans qu’il donne toute satisfaction aux partenaires du Réseau : l’ONCFS, la FNC, le CICB (qui est désormais membre du réseau à part entière) et les FDC concernées. Seul changement que le CICB accueillit avec plaisir : sept fédérations décidèrent, au fil des années, de récolter elles-mêmes les ailes de leurs adhérents, de les analyser et de fournir, en fin de parcours, leurs résultats qui sont ainsi intégrés dans l’ensemble de l’étude. Nous connaissons bien les techniciens responsables de ces études et leur faisons d’autant plus confiance qu’ils participent régulièrement à nos journées de lectures, souvent comme instructeurs !
Ces fédérations sont les suivantes : Aveyron, Cantal, Gironde, Haute-Loire, Indre, Lozère, Puy-de-Dôme.
2007-2008 La Gironde
Les premières journées de lecture eurent lieu en Gironde, au domaine de Pachan. Nous avions choisi ce département parce que c’était celui dans lequel Michel Devort exerçait ses talents de vétérinaire (à Bordeaux précisément). Si bien que nous eûmes la chance d’avoir avec nous, pendant deux ans, mieux que le meilleur lecteur de France : l’inventeur de la méthode ! À part Michel Devort et Gilles Leray qui était l’administrateur du Réseau Bécassines et que nous avons toujours considéré comme notre meilleur lecteur, nous étions tous plutôt débutants dans ce travail dont nous découvrions toutes les difficultés. Nous n’avions pas non plus la facilité de mise en route que nous fit acquérir l’expérience. La première année, nous avions bien compris qu’il fallait des poubelles ou des sacs pour nous débarrasser des plumes lues, mais nous n’avions pas la solution.
À la fin de la première soirée, il y avait des plumes partout, surtout que les plumes de bécassine volettent très bien. Quand nous quittâmes la pièce que nous occupions, nous décidâmes de laisser tout tel quel et de nettoyer du mieux possible le lendemain soir.
Le lendemain, nous pénétrâmes dans la salle avec une dame qui se révéla être la femme de ménage de la fédération. Entrée de quelques mètres dans la pièce, elle se bloqua comme un pointer qui prend l’arrêt et resta interloquée. Au bout de quelques minutes, elle retrouva sa langue et demanda : « Vous continuez comme ça aujourd’hui ? » En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, elle franchit la porte et, avisant un de nos lecteurs qui venait de loin, elle s’écria : « Je reviendrai demain... » Et elle disparut !
2009-2010 L’Ille-et-Vilaine
Après deux saisons passées à Pachan, ce fut la FDC de l’Ille-et-Vilaine qui nous accueillit près d’Hédé-les-onze-écluses, au lieu-dit Beauregard à Saint-Symphorien. Là aussi, nous fûmes bien reçus. Je ne le redirai pas à chaque fois, nous avons toujours et partout été reçus amicalement, avec beaucoup de gentillesse et de compréhension. Reconnaissons que du jour où nous avons réussi à maîtriser l’invasion des plumes, nous nous sommes parfaitement bien conduits !
Il faut reconnaître également que pour certains d’entre nous, la découverte de certaines fédérations et des territoires alentours fut très enrichissante.
2011-2012 L’Indre
Quand nous quittâmes l’Ille-et-Vilaine, nous reçûmes une lettre du Cantal qui nous invitait à Aurillac. Mais nous étions déjà engagés auprès de Charles-Henri de Ponchalon pour aller à Châteauroux. Nous promîmes de venir deux ans plus tard, et ce fut à Châteauroux que nous découvrîmes notre troisième fédération hôte. La première en milieu urbain.
C’est là que nous créâmes les binômes. Jusque là, les lecteurs étaient groupés au hasard. Désormais, nous fîmes des groupes de deux, composés d’un moniteur et d’un élève. Ce système permet d’aider les nouveaux venus qui n’ont pas la salle à traverser pour montrer un plumage. Nous les encourageons d’ailleurs à questionner leur vis-à-vis à chaque occasion.
Tout se passa très bien. Le technicien chargé, entre autres, des migrateurs, François Bourguemestre, se forma avec les instructeurs et devint l’un de ceux qui nous fournissent directement les résultats. Par ailleurs, nous invitions chaque année la FNC, notre bailleur de fonds, à venir voir ce que nous faisions. Lors de notre deuxième année dans l’Indre, Laetitia Anstett vint nous rendre visite pendant les deux jours de lecture. Elle était si passionnée par ce qu’elle apprenait qu’elle oublia complètement qu’une stagiaire devait venir la rejoindre et qu’il fallait aller la chercher à 10 heures à la gare. À 11 h 30 elle se leva d’un bond : « Ma stagiaire ! ». Nous filâmes récupérer la malheureuse qui assise sur un banc à l’entrée de la gare attendait sagement qu’on la secourût !
2013-2014 Le Cantal
Chose promise chose due. L’année 2013 nous vit débarquer avec plumes et bagages à la fédération du Cantal. Nous étions en pays de connaissance, avec les techniciens du Cantal et de Lozère qui avaient été les premiers à créer leur Réseau bécassines départemental, et qui avaient participé à nos premières années de lecture.
Mais les lectures ne furent pas tout. Nous eûmes d’abord, en fin d’après-midi, la visite de chasseurs locaux, réunis par Arnaud Lafon, le technicien chargé des bécassines, qui vinrent pour voir comment on lisait les plumages, les points de reconnaissance, etc. Puis, à 19 h 30, nous rejoignîmes l’hôtel du Palais où nous attendaient des chasseurs et des membres de la fédération, Président en tête, à qui Yves Ferrand fit un exposé complet sur les bécassines, leur situation, les lectures de plumages, etc. En plein air, par une tiède soirée d’avril et un verre à la main, ce fut un moment très agréable que conclut un excellent dîner. L’année suivante se passa calmement. Nous étions déjà sur la préparation du Congrès qui allait se tenir tout près, à Marvejols en Lozère.
2015-2016 Les Landes
Changement de cap complet, nous voici à Pontonx-sur-Adour, dans les Landes. Nous connaissons bien le Président Barrère et son directeur, Régis Hargues, qui fut longtemps à la FNC avant de rejoindre son terroir d’origine. Peu de nouveautés, désormais tout est bien huilé et se passe sans anicroche. D’ailleurs l’année 2016 est la dixième année de ce type de lectures. Il est clair que nous avons bien pris nos marques. Un changement toutefois, Gilles Leray a pris sa retraite et a été remplacé par Damien Coreau comme administrateur du réseau. Cependant, Gilles est là et participe aux travaux de lecture, car, il ne faut pas l’oublier : il est le meilleur lecteur ! Une nouveauté aussi, c’est la mise à disposition d’une feuille qui présente les différents types de rectrices externes de bécassine sourde. Une sacrée facilitation de la reconnaissance de l’âge.
2017 La Charente-Maritime
Premier contact avec le 17 que nous ne connaissons pas. Depuis des années, les associations de chasse spécialisée n’étaient pas persona grata dans cette fédération pourtant pleine d’intérêt et de... bécassines ! Mais le président fut battu aux élections, son successeur ne dura que trois ans, et puis les portes s’ouvrirent. Premier voyage, premier contact. Mais en fait, notre président connaît ponctuellement beaucoup de gens qu’il a rencontrés sous d’autres cieux et tout le monde se saute au cou. De plus, Alain Bourasseau, venu de sa Vendée raisonnablement proche, s’est fait accompagner de trois apprentis lecteurs et d’une brioche vendéenne destinée au petit déjeuner, mais qui nourrirait les 100 bagueurs du réseau pendant plusieurs jours ! Tout cela crée une excellente ambiance. Deux nouveautés : Damien a l’excellente idée d’ouvrir sur un récapitulatif rapide dont beaucoup ont bien besoin ; nos hôtes exigent une photo de famille : 18 personnes plus le photographe, visiblement il y a un intérêt !
Et nos lectures de plumages continuent sur leur lancée.
En raison de la situation actuelle, la BOURSE DES TERRITOIRES est suspendue jusqu'à nouvel ordre.