Chasse à la bécassine à Madagascar
On trouve la bécassine malgache (Gallinago macrodactyla) dans la moitié orientale de la Grande Terre, du niveau de la mer jusqu’à 2 500 mètres d’altitude. C’est une zone ou la pluviométrie est forte durant la période qui va d’avril à novembre, mais pas au point de gêner un chasseur.
En malgache, on appelle la bécassine suivant le cri qu’elle émet à l’envol. Selon la région on parlera de "kitantano", "kekakeka" ou "ravarava". Elle est sédentaire, endémique à Madagascar. Il n’y a pas d’autre espèce de bécassine vraie sur la Grande île. Certains parlent de bécassine "royale", mais il s’agit, en réalité, de la Rhynchée peinte (Rostratula benghalensis) commune dans toute l’Afrique.
Deux amis, André et Louis, installés ici depuis de nombreuses années m’ont fait bénéficier de leur expérience. Nous chassons le plus souvent à environ 50 km de Tananarive, au nord, en direction d’Ankazobe et aussi à l’ouest, dans la grande plaine qui s’étend sur plus de 100 km de Moramanga a Ambatondrazaka.
L’activité agricole très largement dominante est la riziculture. L’élevage de zébus et, dans les zones boisées, la production de charbon de bois à partir d’eucalyptus et de pins, constituent des activités économiques importantes surtout à proximité de la forêt de Fanalamanga.
C’est une région où il y a beaucoup de zones humides et marécageuses, non aménagées. La hauteur de l’eau est donc uniquement fonction des pluies ; ainsi des zones très fréquentées un jour ne le seront plus le lendemain si les averses nocturnes ont fait monter la hauteur d’eau de plus de 3 ou 4 cm.
Ces dernières années, toutefois, sous la pression démographique, des vallées qui abritaient des bécassines, sont cultivées et les rizières ont remplacé la végétation naturelle. Il faut donc prospecter des terrains de chasse plus éloignés afin de trouver une bonne densité.
Nous pratiquons la chasse devant nous, avec une chienne labrador, qui retrouve toujours le gibier, même tombé dans les zozoro (joncs) les plus denses. Sans Isis nous perdrions beaucoup de gibier.
Parfois des bouviers délaissent leurs zébus et viennent rabattre en nous conduisant vers les bonnes remises.
La marche n’est pas toujours facile et demande un bons sens de l’équilibre pour évoluer sur les diguettes délimitant les rizières, cela rend le tir encore plus incertain.
La température clémente ne fait pas d’une chute ou d’une baignade forcée un évènement ruinant la partie de chasse. Le passage de canaux d’irrigation oblige à utiliser ses talents d’équilibriste. La bilharziose, maladie parasitaire, contractée dans les marais pourrait être un risque, mais je ne connais personne qui en ait été victime. Les sangsues ne causent pas de désagrément.
La venue d’un chasseur est une attraction pour les villageois, ce sont des gens de bonne humeur en dépit de conditions de vie rudes.
Ils nous suivent des hauteurs et comme si nous occupions la scène d’un amphithéâtre, bon public, ils ovationnent chaque tir, heureux ou non (cas fréquent !) avec la même joie.
Le travail de rapport du chien est toujours une source d’étonnement de la part de la population. Après la récolte du riz, certains paysans disposent des pièges, des collets, mais cette pratique est rare. Nous ne disposons pas de données statistiques mais la pression de chasse est limitée. Au fil des saisons, nous ne constatons pas un notable changement des quantités de bécassines observées. Si notre tableau de chasse s’est amélioré, c’est dû à son modeste niveau de départ, l’évolution ne pouvait se faire que vers le haut…
Les cartouches ne sont pas commercialisées localement et chaque chasseur doit importer ses munitions et en quantité limitée (100 par an…Oui, cent...)
La chasse commerciale n’est pas pratiquée dans les zones à bécassines. Elle se fait, à échelle réduite, vers la côte ouest et concerne les canards et le potamochère (sanglier africain), ce dernier est chassé toute l’année. Les visiteurs, en majorité, sont des Réunionnais qui viennent en voisins.
La chasse à la bécassine à Madagascar apporte de grandes joies. Arpenter, en compagnie de son chien, un petsa-petsa (marais) au petit matin, et contempler une vallée couverte d’un mince voile de brume, vous apporte un plaisir vrai et la vue des grands espaces procure une sensation de liberté.
Jean Philippe Venet
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